La conception du D551 en étapes

La première étape de la reconstruction du D551 a consisté en une longue période de recherche et d’analyse des archives auprès des archives départementales de la Haute-Garonne.

La modélisation du D551 en CAO

La volonté de Réplic’Air de recréer l’ensemble de l’avion grâce à la CAO (conception assistée par ordinateur) a plusieurs objectifs :

  • finaliser la conception de l’avion, car les études n’étaient pas terminées lors de l’armistice, en juin 1940

  • modifier les zones sensibles au besoin (train, béquille, installation motrice, radiateur)

  • aménager un siège arrière (backseat)

  • adapter des standards modernes (équipements moteur, visserie, etc.)

  • utiliser les outils de production modernes afin de réduire les temps de fabrication

  • préparer les bâtis d’assemblage

Les plans étant isocotés, il est très facile de redessiner l’ensemble des pièces en CAO. Cela présente un réel avantage : par exemple pour les nervures de voilure, le logiciel Catia V5 permettant de calculer automatiquement les développés, c’est-à-dire la pièce à plat avant formage (on appelle ces pièces les flancs). Les fichiers CAO sont ensuite transférés à des partenaires qui réalisent les opérations de découpe laser ou jet d’eau en faisant une imbrication optimisée (regroupement de plusieurs pièces de même épaisseur sur une même tôle afin de limiter les coûts machine et approvisionnement).

En parallèle, les fichiers servent aussi à la réalisation des outils de formage. Le principe est le même que pour la tôlerie : création sous CAO des outils, puis transfert à un partenaire pour imbrication et fraisage. Réplic’Air utilise pour la création des outils de formage des plaques de PEHD (« plastique » haute densité). Les pièces de tôlerie ayant des bords tombés avec des angles ouverts ou fermés seront reprises manuellement après traitement thermique par des chaudronniers car nous utilisons de l’aluminium 2024-O (pas de criques lors du formage). Pour les pièces usinées, le principe reste le même, c’est-à-dire fourniture du fichier CAO uniquement pour la réalisation de la pièce.

La CAO nous a aussi permis de valider la cinématique de rentrée et sortie du train d’atterrissage. Ces pièces étaient sous traités à Olaer (fournisseur de l’époque du matériel hydraulique) et peu d’éléments (dessins, notes de calculs) nous sont parvenus aujourd’hui. Nous nous sommes donc appuyés sur les données du dossier de calculs du D520 et les photos à notre disposition afin de redessiner ces pièces. Des modifications ont été apportées pour sécuriser au maximum le fonctionnement de celui-ci (prise en compte de cas de pannes (sortie) et des risques de rentrée intempestive du train au sol).

La dernière partie du travail consistera à intégrer les systèmes dans l’avion. Pour cela, nous utiliserons la maquette physique, afin d’éviter les itérations et d’endommager les pièces. Les pilotes et mécaniciens participeront activement à cette phase pour rendre l’appareil facile d’entretien et d’utilisation.

La revalidation des dossiers de calculs

Le projet Dewoitine 551 a été rendu possible par la disponibilité, aux archives départementales de Haute-Garonne, des plans d’époque, mais aussi des dossiers de calculs manuscrits. L’objectif de ces dossiers est de valider que chaque pièce conçue puis dessinée tiendra mécaniquement et ne cassera pas lors de l’utilisation de l’avion (en vol comme au sol). Les plans d’époque et les dossiers de calculs ont été remis au goût du jour par nos bénévoles.

Les normes ayant évolué depuis 1940, l’idée n’est pas de recalculer toute la structure de l’avion, ni de remettre en question les choix technologiques de 1940. Il s’agit plutôt de s’assurer que les marges de sécurité d’époque sont au moins équivalentes aux normes actuelles. Ainsi, par exemple, les calculs pour le bâti moteur (ensemble de tubes en acier soudés ensemble) ont été mis à jour en prenant en compte les dimensions de tubes et de matériaux disponibles de nos jours. Le dossier de calculs a été actualisé et la fabrication du bâti a pu être lancée !

Pour toutes les pièces évoluant (matériau ou cote légèrement différent, vis ou rivet de référence actuelle, etc.), l’opération se répète afin de valider point par point le Dewoitine en cours de renaissance.

Les longerons de voilure et de profondeur

Les longerons de voilure et de profondeur sont les colonnes vertébrales sur lesquelles viennent se fixer les nervures qui donnent leur forme à l’aile ou à l’empennage horizontal. Ce sont des pièces importantes, qui subissent toutes les accélérations en vol, les G. Sur le Dewoitine D551, ce sont des éléments structuraux de taille imposante : près de 5 m de long, 50 cm de haut et plus de 40 kg par demi-voilure pour le longeron d’aile tout en aluminium.

En 1940, les capacités de production avaient amené à fabriquer ces longerons en 3 sous-ensembles : 2 semelles d’intrados et extrados usinées et reliées entre elles par une âme verticale tôlée. Cette dernière venait se glisser dans de petites gorges réalisées dans les semelles. Le tout était alors rendu solidaire par de nombreuses fixations et raidisseurs.

De nos jours, et malgré les procédés industriels plus modernes, les fabricants ont perdu le savoir-faire permettant de produire avec une précision correcte les semelles avec des gorges de ces dimensions. Aussi, les membres du bureau d’études de Réplic’Air ont extrapolé cette conception de longerons en des ensembles monoblocs intégrant directement âme et semelles, excluant par là-même les nombreuses fixations jadis nécessaires.

Nos calculs ont permis de valider une résistance équivalente à celle de la conception originelle. Ces pièces complexes sont usinées à l’aide de fraiseuses numériques assurant une précision optimale. Le savoir-faire perdu a été remplacé par de nouvelles techniques.

La découpe des pièces et le début de l’assemblage

Pour pouvoir produire et assembler les premiers ensembles constitutifs de nos futurs Dewoitine D551, nous sommes partis de notre maquette numérique.

L’aérostructure du D551 est très proche de celle des avions d’aujourd’hui, elle comporte donc majoritairement des pièces usinées, comme les longerons de voilure ou les ferrures du bâti moteur, et des pièces découpées au laser et formées à la presse, comme les nervures ou les cadres. Rien de dépaysant par rapport à ce que nos membres travaillant chez Airbus ou ATR rencontrent tous les jours dans leurs métiers.

Nous avons donc réalisé et fait réaliser ces pièces en partant du principe que notre faible nombre (en comparaison aux centaines de compagnons en 1939) devait être compensé par l’utilisation des dernières techniques de fabrication. Ainsi, la CAO, les machines à commande numérique, l’impression 3D métallique, la découpe laser et les presses à matelas souple nous permettent de fabriquer, en moins d’un an, la quasi-totalité des pièces élémentaires de nos chasseurs avec des équipes très réduites.

L’aluminium de l’époque, le duralumin (alliage aluminium-cuivre) a cédé la place à des alliages d’aluminium modernes, aux propriétés mécaniques au moins équivalentes sinon supérieures. Ainsi toutes les tôles de l’avion sont découpées au laser dans de l’aluminium 2024-O, préparées pour la presse où elles sont mises en forme à l’aide de contre-formes en PEHD (polymère répandu et résistant). Ensuite, après d’éventuelles reprises, elles subissent un traitement thermique pour leur donner leurs propriétés mécaniques définitives et passent en peinture pour recevoir une couche de primaire (moderne mais couleur chamois, conforme à celle de l’époque).

Chaque appareil compte plus de 400 types de pièces usinées et 300 types de pièces pressées à assembler sur les bâtis de construction, en commençant par l’empennage de l’avion, puis la voilure et le fuselage. L’intégration des systèmes et de l’équipement de l’aérostructure (commandes de vol, électricité, hydraulique, air, trains, refroidissement, propulsion, etc.) vient achever la reconstitution.

En parallèle nous avons construit une maquette bois échelle 1 afin de tester en avance de phase les différents systèmes au fur et à mesure de leur réception. Elle permet notamment de vérifier les positions de commandes de vol et de tester l’intégration du bâti moteur définitif de l’avion.